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Être un jeune proche aidant, c’est #AimerSansSepargner

Yasmine arrive à l’école au pas de course. Elle est au coin de la rue alors que la deuxième cloche sonne. Un autre matin où elle arrive en retard à l’école.

Elle entre dans sa classe de sciences essoufflée, les cheveux ébouriffés. Son enseignant interrompt son cours. « Madame Saulnier, un autre matin où votre cadran n’a pas sonné? ”. S’en suivent quelques rires étouffés dans la classe. Malgré les regards tournés vers elle, Yasmine s’assoit au fond de la classe sans broncher et ouvre ses cahiers, prête à se mettre au travail.

À la pause, les amies de Yasmine l’interrogent. « Voyons Yas, ta mère elle peut pas te réveiller le matin? Ça a pas de sens que tu sois toujours en retard comme ça! ». Yasmine glousse un rire nerveux et s’efforce de changer de sujet.

Deuxième période: examen de mathématiques. Yasmine s’efforce tant bien que mal à garder ses pensées centrées sur le problème qu’elle a sous les yeux. Les questionnements s’installent quand même dans son esprit. « Est-ce que je lui ai bien donné son antidépresseur? ». « Est-ce que j’ai bien fermé  le rond de la cuisinière? ». « Est-ce que j’ai donné quelque chose à boire à Mathéo? ». Rapidement, sa concentration s’envole comme une feuille de papier au grand vent. Ses questionnements se font interrompre par la cloche qui marque la fin du cours.

Yasmine rejoint ses amies à la cafétéria pour le dîner. « Ark! Ma mère m’a encore fait un sandwich. Je suis pu capable de ses lunchs, je mange toujours la même chose! » mentionne Lisa alors que les autres encouragent la lancée du chialage-de-lunch-préparé-avec-amour-par-leur-parent. Yasmine mange son repas sans dire un mot.

Tout l’après-midi, Yasmine s’efforce de rester éveillée et concentrée dans ses cours. À la fin des classes, les corridors sont envahis par le début de la fin de semaine. « Yas, c’est vendredi, tu viens au party chez Léo ce soir ? », « Allez, come on Yas, tu viens jamais dans les soirées! T’es plate si tu viens pas! ». Yasmine se contente de dire qu’elle fera son possible pour avoir un lift, même si au plus profond d’elle-même, une petite voix lui rappelle que ses chances de pouvoir aller faire la fête sont faibles.

Ce que les proches de Yasmine ont peut-être retenus aujourd’hui, c’est qu’elle a du mal à se lever le matin, qu’elle manque de motivation et d’intérêt envers sa réussite scolaire et qu’elle s’implique peu auprès de son cercle d’amis.

Ce que les proches de Yasmine ne savent pas, c’est que sa mère a un cancer grave et incurable qui lui a fait perdre l’usage de ses jambes. Que leur situation financière est très difficile avec un revenu en moins et que pour assurer leur survie, son père a dû prendre un travail de soir.

Ce que les proches de Yasmine ne savent pas, c’est qu’hier soir, elle a dû préparer le souper, laver sa mère et border son petit frère Mathéo, âgé de 7 ans. À 22h, une fois tout le monde couché, elle a commencé à étudier pour son examen de mathématiques. À 1h, endormie dans ses livres sur la table de la cuisine, elle s’est réveillée en sursaut par les cris de douleurs de sa mère. Elle est allée lui donner des médicaments et est restée à ses côtés pour lui offrir du soutien. Comme son père était occupé à prendre soin de sa mère, Yasmine a dû se lever tôt pour préparer son lunch et celui de son petit frère. Elle a réveillé Mathéo et lui a préparé son déjeuner, avant d’aller le reconduire à l’école primaire.

Des journées comme celles-là sont normales dans le quotidien de Yasmine. Pourtant, elle semble être une ado comme les autres. Comme plusieurs autres réalités, son histoire de vie est invisible, mais bien présente.

Bien qu’on parle peu souvent d’eux, les jeunes comme Yasmine sont bien présents. À Deuil-Jeunesse, nous en côtoyons régulièrement. Deuil, séparation, maladie grave, maladie mentale: voilà des réalités qui peuvent amener des jeunes à vivre un rôle d’aidant à la maison. Les jeunes proches aidants existent et par cet article, j’espère vous amener à penser à ces jeunes anges gardiens qui vous entourent.

En cette semaine nationale des personnes proches aidantes, je t’invite toi, professionnel de la santé, intervenant, enseignant, parent, voisin, ami, entraîneur, employeurs qui gravite autour des jeunes, à garder l’œil ouvert. Je t’invite à voir plus loin que ce qui est visible par les yeux. Je t’invite à prendre le temps de leur demander comment ils vont réellement, à ouvrir la discussion sur ce qu’ils vivent dans leur vie personnelle.

Et si on profitait de cette semaine nationale pour prendre le temps d’écraser ce tabou?

Et si on prenait le temps de demander à un jeune proche aidant de quoi il a besoin, de l’encourager à prendre soin de lui ou encore de mettre en lumière la différence qu’il fait autour de lui?

Le premier pas à faire pour briser ce tabou, c’est avant tout de prendre le temps de se demander : « et moi, est-ce que je connais des jeunes proches aidants ? »

Bonne semaine nationale des personnes proches aidantes ! #AimerSansSepargner

Anne-Sophie Côté
Travailleuse sociale à Deuil-Jeunesse