Que vos mots résonnent!
Que vos mots résonnent dans notre société, voilà mon souhait le plus cher.
4 000.
C’est le nombre d’endeuillés qui ont pris la parole l’an dernier lors de la plus grande consultation canadienne sur le deuil. Grâce à l’Alliance Canadienne pour le Deuil (ACD), ces voix, venues des quatre coins du pays, se sont unies pour partager leur vécu. Les résultats sont troublants, mais hélas, pas surprenants pour moi, qui accompagne des endeuillés depuis 30 ans : il est urgent d’instaurer un véritable dialogue sur le deuil dans notre société.
Trop souvent, on entend : « Vous êtes chanceux, à notre époque, il n’y avait pas d’aide… » Oui, les services spécialisés d’aujourd’hui sont précieux. Mais les données révèlent une réalité tout aussi alarmante qu’avant : 1 endeuillé sur 2 ne se sent ni soutenu ni reconnu dans son deuil, ni par ses proches, ni par les professionnels.
C’est une situation grave. Comment espérer que quelqu’un vive son deuil si ce qu’il ressent est invisibilisé, ignoré, ou pire, minimisé?
La reconnaissance du deuil est essentielle. Abraham Maslow, dans sa célèbre pyramide des besoins humains, classe le besoin d’estime parmi les plus fondamentaux : le sentiment d’être vu, entendu, et considéré est une condition nécessaire pour s’épanouir pleinement.
Quand ce besoin n’est pas comblé, les blessures s’accentuent. Ces gestes ou paroles qui manquent de reconnaissance, vous les connaissez :
- Les collègues qui évitent votre regard à votre retour au travail après la perte d’un enfant.
- Les phrases comme « Tu es jeune, tu trouveras un autre conjoint. »
- Les silences lourds qui murmurent : « Tu pleures encore? Ça fait trois ans! »
Si vous avez déjà vécu un deuil, vous savez combien ces moments marquent. Si ce n’est pas votre cas, lisez bien ceci :
83 % des endeuillés disent que parler de leur deuil leur fait du bien.
Alors, osez poser une question. Vous avez peut-être peur de rouvrir une blessure, mais les endeuillés, eux, demandent : « Parlez-moi de mon deuil. » Ce n’est pas le silence qui les aide, c’est votre écoute.
Et la clé est si simple : posez des mots, même maladroits. Essayez maintenant, à haute voix :
« Cela fait longtemps que tu m’as parlé de ton père. Comment te sens-tu aujourd’hui, après sa mort? »
Vous n’imaginez pas l’impact de ces mots. Oui, il y aura peut-être des larmes, mais vous verrez aussi une étincelle de gratitude. Vous offrirez à cette personne un cadeau inestimable : le sentiment d’être importante, d’être reconnue.
Les endeuillés ont commencé à s’exprimer. Écoutons-les. Peut-être qu’ensemble, nous pourrons bâtir une société où le deuil est enfin compris, accueilli et soutenu.
Josée Masson
fondatrice et directrice générale de Deuil-Jeunesse
