CAMPAGNE DE FINANCEMENT EN COURS

Donnez généreusement!

Un pas de recul pour continuer d’avancer

Me voilà lauréate du prix Grand diplômé 2024 remis par l’Université Laval. Je suis fière. Humblement fière. Voilà que le 24 avril prochain, je recevrai cette haute distinction des mains de la rectrice de l’Université Laval, madame Sophie D’Amours, aux côtés des neufs autres lauréats, dans un des endroits les plus enchanteurs de la ville de Québec. Cette reconnaissance me permet de faire le point et d’amorcer un travail d’introspection par rapport à ma carrière et j’en tire de grandes réflexions. 

Les occasions ont été bien peu nombreuses pour évaluer l’impact de mon choix de carrière dans les dernières années… Trop occupée à m’assurer que les services de Deuil-Jeunesse répondent aux besoins de ceux qui souffrent, j’ouvre aujourd’hui la porte sur le futur. 

Tout d’abord, ce prix me ramène loin derrière. J’ai 50 ans, un peu moins de 30 ans de carrière. J’ai dévoué au deuil plus de la moitié de mon demi-siècle. Une histoire qui a commencé avec les enfants. Alors que j’occupais des fonctions de travailleuse sociale en CLSC, je ne pouvais accepter ni concevoir qu’on leur mente, qu’on les exclut des rites funéraires, qu’on leur cache les éléments essentiels pour constituer leur histoire de deuil. Ces jeunes m’ont fait assez confiance pour me donner la difficile tâche de sensibiliser les adultes à leur réalité. Ils m’ont revendiqué leurs droits : celui qu’on leur donne leur vraie histoire, qu’on leur livre la juste réalité, qu’on leur permette de recevoir de l’aide et la possibilité de se raconter dans leurs mots et non pas à travers ceux de leurs parents.

Deuil-Jeunesse, je l’ai créé dans ma tête en 1998! Je l’ai créé pour ces jeunes qui payaient très cher le prix du silence, du mensonge, de la maladresse et de l’inattention sociétale. C’est leur souffrance qui m’a fait sortir d’un emploi stable et valorisant pour construire un organisme qui a vécu vents et marées pour survivre financièrement et trouver sa petite place dans le grand monde des organismes communautaires, notre filet social. Personnellement, il y a un prix à tout ça : insomnie, inquiétudes, apprentissage d’un rôle de haute gestion alors que mes compétences relevaient de l’intervention… Pour reprendre une analogie bien connue, j’ai construit l’avion en même temps qu’il volait, morceau par morceau.  

Au fil des années, j’ai réalisé que les jeunes endeuillés n’étaient pas les seuls incompris. La méconnaissance du vécu de ceux qui vivent la maladie grave, la mort, la disparition, l’abandon d’un être cher fait mal à tous. Il n’y a pas d’âge à ça, pas de classe sociale… C’est le résultat d’une société qui sait bien peu comment aborder la souffrance et dont on voudrait bien peu en voir le visage. D’une société qui ne sait pas quoi dire, quoi faire, comment le dire, comment le faire… J’ai voulu continuer mon défrichage. J’ai voulu abattre tous les « il faudrait que tu…» qu’entendent ceux qui vivent ces réalités. Pourquoi ai-je voulu tout ça? Je doute trouver toutes les raisons m’ayant conduit à cette carrière. Il y a là beaucoup de détermination pour vouloir éveiller les consciences et changer les perceptions. 

Avec le recul, je me dis que j’ai un peu réussi : des dizaines de milliers d’endeuillés ont reçu de l’aide de Deuil-Jeunesse, des centaines de fois j’ai sensibilisé la population grâce aux tribunes médias, j’ai formé des milliers d’intervenants, j’ai été lue par des milliers de gens et en plus, j’ai bâti un siège social comme je l’avais dessiné et rêvé au début des années 2000. Aujourd’hui, Deuil-Jeunesse est connu à travers le Québec, la francophonie canadienne et même, l’Europe. J’ai réussi, peut-être pas assez comme je l’aurais souhaité. Dans cette société qui esquive la mort, qui ne veut pas la reconnaître comme une réalité, qui l’a sorti des maisons il y a plusieurs années, exclut les jeunes dans les décisions, je me dis que tout est à faire encore. Mon espoir est sur la belle équipe de Deuil-Jeunesse qui porte en elle ce désir de faire changer les choses. Je ne suis plus seule. Je ne serai plus jamais seule dans ce travail acharné. Je suis animée par ce sentiment d’urgence que les mentalités évoluent et les souhaits se transforment en réalisation. 

 

Mes souhaits qui font partie de mon legs  

J’aimerais que les adultes atteints de maladie grave n’attendent pas leur pronostic avant de parler de ce qu’ils vivent ou de leurs volontés à leurs proches de tous âges. 

Je voudrais que chacun prenne conscience de la fragilité de sa vie et qu’il en prenne soin pour diminuer les chagrins causés par les maladies et les décès.

Je désire que l’on cesse de dépeindre la mort comme étant plus belle que la vie, que le suicide ne soit plus une option ni pour nos jeunes ni pour nos adultes. Il faut apprendre à bien parler de la mort.

Je désire que tous les enfants parlent de la mort à l’école. Qu’ils apprennent ce qu’est le deuil avant de le vivre.

Je souhaite que les salons funéraires ne fassent plus peur à personne, que voir un corps décédé devienne une réalité comme elle l’était autrefois, que les amis comme la famille puissent avoir cet espace pour réaliser la perte de l’être cher.

Je veux que les jeunes aient leur place dans le processus de l’aide médicale à mourir d’un adulte significatif, qu’ils aient la dernière étape sur leur volonté d’être présent ou non et qu’ils soient bien accompagnés.

Je désire que la société apprenne à accueillir la souffrance des jeunes et des moins jeunes qui vivent la maladie, la disparition, l’abandon et la mort d’un être cher sans jugement ni échelles de gravité. Que le deuil soit vu comme étant unique pour chacun qui le vit.

Je souhaite que les normes du travail soient justes dans les congés en cas de décès d’un proche sans décider d’un pire ou moins pire type de décès.

Je désire que les mortels acceptent qu’ils le soient et qu’ils abordent le sujet spontanément quand cela se place dans les discussions et qu’ils soient accueillis avec ouverture et respect. 

Finalement, je rêve d’une société capable de parler, d’intégrer et de vivre les réalités difficiles de la vie… 

Alors, le 24 avril, alors que l’on me remettra le prix au Château Frontenac, j’aurai en tête avec moi tous ces souhaits et toutes les personnes que j’ai accompagnées. J’aurai dans mon esprit ceux et celles qui peuvent faire partie de la réalisations de mes rêves. En ferez-vous partie?

Josée Masson, Fondatrice et Directrice générale Deuil-Jeunesse

Deuil jeunesse