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En finir avec la fin du deuil …

“Mon deuil n’est pas fini”,  “J’ai enfin fini mon deuil”, “Ce sera quand la fin de mon deuil?”, “Ces gens n’ont toujours pas fait leur deuil”, “Je ne pourrai jamais faire mon deuil”… 

Mais pourquoi est-il si important d’en finir avec le deuil? D’où vient ce besoin qu’il ne fasse plus partie de nos vies? Pourquoi user notre encre et nos coeurs à vouloir y mettre un terme alors qu’on pourrait simplement accueillir le fait que le deuil, celui qui résulte de la mort d’un être cher, c’est-à-dire avec qui nous avons un lien unique, sera là en nous et avec nous tant qu’on aimera cette personne. 

Dans les débuts du siècle dernier, un Code nous indiquait qu’un demi-deuil durait 6 mois alors qu’un deuil c’était 1 an. Aujourd’hui, selon la bible médicale nommée le DSM-5, il y a un temps au deuil qui se situe entre 8 et 12 mois. Des scientifiques, de grands hommes et de grandes femmes, ont un jour, décidé du deuil en chiffre. J’imagine que c’est parce que c’est rassurant et sécurisant dans une société qui accepte de parler de tout sauf des émotions d’un endeuillé.

Quand oserons-nous penser en humain et non en calendrier? Serait-il envisageable de penser le deuil avec l’âme et le cœur? Car depuis 25 ans, j’apprends auprès des endeuillés que le deuil ne se calcule pas en temps, mais en liens : en lien d’amour, en lien d’amitié, en lien significatif et qu’au final, il n’y a pas de temps, il y a le respect authentique de ce qui se ressent en soi. 

Le deuil, c’est apprendre à vivre sans l’autre et voici ce que ça résonne dans le temps. C’est avoir encore de la peine quand on entend une chanson qui nous réfère au défunt 27 ans après sa mort. C’est vouloir que l’autre soit en vie pour aller en voyage avec lui l’année suivant sa mort. C’est trouver difficile la vie sans l’autre et oser le dire, après 3 mois mais aussi après 12 ans. Le deuil, c’est aussi permettre à une maman endeuillée d’espérer un autre enfant 120 jours après la mort de son aîné, à un conjoint veuf d’avoir une nouvelle conjointe 6 mois après la mort de la femme de sa vie et à un enfant de jouer quelques minutes après la mort de son meilleur ami… C’est ça le deuil. C’est ça vivre le deuil à son rythme. C’est ça, avoir aimé et aimer l’autre et réagir authentiquement. C’est l’aimer et surtout, s’aimer assez pour accepter qu’il y aura des jours plus faciles que d’autres et ce, au fil des mois, des années… au fil d’une vie. 

C’est difficile le deuil, mais c’est encore plus difficile de le vivre dans une société qui juge aussi facilement et qui est si maladroite avec la souffrance de l’autre.     « Elle retourne déjà au travail »; « Elle n’est pas encore sortie depuis »; « Il ne veut pas encore faire de sapin de Noël”, “Elle a déjà refait sa vie”. Vous sentez ici le jugement qui se relie au temps? Ce type de discours maladroit est omniprésent dans les posts Facebook et l’actualité. À lire ou entendre ça, l’endeuillé peut bien ne pas se sentir bon ni performant et là, ça se met à mal aller… Ce n’est pas son deuil qui ne va pas, c’est la méconnaissance d’une société qui se dit bienveillante mais qui lui fait mal. Si on lit dans une revue scientifique qu’un deuil doit avoir une fin et qu’on n’a pas le goût de lui donner une fin car il vit en nous, on fait quoi avec ça?  Et tout d’abord, c’est quoi faire et finir son deuil??? Ne plus pleurer, ne plus y penser, ne plus s’ennuyer, faire comme si rien n’était arrivé, comme si la personne n’avait jamais existé? Pourquoi lui faire de beaux rites funéraires si on veut tant l’oublier? Est-ce nécessaire d’en finir avec cet apprentissage de la vie sans l’autre? 

L’expérience me parle ici. Un deuil, ça ne se fabrique pas. Un deuil ça ne se dessine pas à l’avance. Il n’y a qu’un début au deuil, qu’une route mais pas de fin chez l’être vivant. Au fait, ce n’est pas le deuil qui devient compliqué après 1 an, c’est plutôt le regard de l’autre et le désir de performer qui le compliquent. Car vouloir en finir avec le deuil au final, ne serait-ce pas synonyme de vouloir tuer l’amour, donc de rejeter la seule chose qui nous reste après le passage de la mort? Est-ce ce que nous voulons vraiment? Pourquoi ne pas écouter nos endeuillés, pourquoi ne pas dire : “Tu es en deuil de ton père depuis 7 ans et tu pleures, c’est normal car il est important pour toi.” “Tu vas mieux depuis la mort de ta sœur, c’est parfait, le deuil ce n’est pas que souffrance.” “Tu es endeuillé au temps de la pandémie et tu as du mal à réaliser la perte, c’est normal car tu n’as pu lui dire au revoir comme tu l’aurais souhaité.” “Tu veux me crier ta colère, vas-y je reste là à tes côtés comme je le fais depuis 3 ans!”

Il n’y a rien qui justifie qu’on oblige un endeuillé à passer par un chemin prescrit. Les plus grands penseurs du deuil, depuis des années, rejettent un à un les étapes de deuil antérieurement vénérées. Arrêtons de vouloir en finir avec le deuil, il mérite une place beaucoup plus noble dans nos cœurs car il est le résultat d’un lien précieux, ne l’oublions pas et ce lien, qu’on le veuille ou non, se poursuivra jusqu’à notre propre mort… 

 

Josée Masson

Fondatrice et directrice générale Deuil-Jeunesse

Deuil jeunesse