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11 mars 2021, journée nationale de commémoration dédiée aux victimes de la COVID-19

Il y a un an, l’OMS décrétait l’état de pandémie. Notre quotidien a été chamboulé et notre capacité d’adaptation, comme individu et comme société, est hautement sollicitée depuis.  Chaque jour, on nous présente les statistiques : le nombre de nouveaux cas, le nombre de personnes qui ont succombé au virus. Derrière ces chiffres, il y a des familles bien réelles. Des familles qui souffrent, des familles qui ont vécu la mort et le deuil d’un proche d’une façon bien différente en lien avec le contexte pandémique. Madame Valérie Gagnon a généreusement accepté de nous partager son expérience et son vécu pour vous sensibiliser aux impacts de la COVID dans l’accompagnement vers la mort de son beau-père et dans son deuil.

En décembre dernier, Monsieur était hospitalisé pour un autre problème de santé lorsqu’il a contracté le virus. Tout est ensuite allé vite, trop vite, car une semaine et demie plus tard, il en décédait. Alors qu’il était hospitalisé, les visites n’étaient pas permises. La famille se sentait impuissante, loin de lui, bien que physiquement si près de l’hôpital. Ses proches avaient le sentiment d’être privés de leur pouvoir décisionnel sur tout ce qui entourait la fin de sa vie, puisque les restrictions liées à la COVID prévalaient sur tout le reste.

Alors qu’un médecin a décrété la mort imminente, la famille a été autorisée à se rendre au chevet, afin d’accompagner Monsieur dans ses dernières heures de vie. Ils ont eu 60 minutes top chrono pour présenter la liste de ceux qui seraient là. Mme Gagnon et sa famille ont eu à justifier avec ardeur la pertinence de la présence des personnes qui n’avaient pas de lien de sang avec Monsieur. Pourtant, l’amour qu’on éprouve pour une personne, et notre place à ses côtés dans ces moments si cruciaux ne devraient pas être remis en question par la nature du lien qui nous unit à elle, qu’il soit de sang ou de cœur…

C’est donc entouré de quelques proches seulement, couverts d’équipements de protection, que Monsieur a rendu son dernier souffle.

La famille est en attente d’un assouplissement des mesures sanitaires pour organiser des rites funéraires à la hauteur de l’homme qu’a été le beau-père de Madame Gagnon. Elle nous confie que cette attente lui fait prendre conscience de l’importance des rites funéraires dans le processus de deuil. Elle peine toujours à réaliser que son beau-père est décédé. Tout ça lui semble encore bien irréel, voire même abstrait, puisqu’elle n’a pas pu vivre les rites qui ont, entre autres, l’utilité de concrétiser la mort. Elle mentionne qu’elle a besoin de voir pour croire, mais dans ce cas-ci, sans avoir pu être présente aux côtés de son beau-père pendant l’hospitalisation, sans avoir pu constater d’elle-même la détérioration de son état de santé, sans avoir pu vivre les rites funéraires, il lui est difficile de réaliser que tout cela est bel et bien arrivé. Elle a l’impression que son deuil est sur pause, qu’une parenthèse demeure ouverte depuis ce temps.

Dans ce contexte, il est également complexe pour elle d’accompagner Roxanne, sa fille âgée de 7 ans. Roxanne a été privée, ces derniers mois, d’avoir des contacts avec son grand-papa si cher à ses yeux, pour le protéger du virus. C’est avec des enregistrements vocaux et de brèves discussions téléphoniques qu’elle lui a fait ses adieux, sans jamais pouvoir le serrer dans ses bras une dernière fois comme elle aurait aimé le faire. Monsieur aurait d’ailleurs demandé à la voir, mais comme il était trop tard, il a demandé à sa maman de la serrer très fort dans ses bras pour lui.

La famille a également porté à notre attention le grand manque au niveau de la chaleur humaine, de l’humanité. Sans rites funéraires, et sans pouvoir se rassembler avec famille et amis, la famille se sent isolée dans son deuil. Madame mentionne que ça lui aurait fait du bien que ses proches la serre dans leurs bras, et que d’être privée des câlins, des regards bienveillants, ça amène une grande solitude.  Les gens ont manifesté leur sympathie par des appels ou des messages, mais le malaise de devoir faire ça par téléphone était parfois ressenti. Lorsque la mort nous accable et que les mots nous manquent, une accolade, un regard rempli d’amour ou une main sur une épaule sont des gestes qui peuvent faire beaucoup plus de bien que n’importe quelle parole.

Ce qui nous frappe de cet échange avec Madame Gagnon, c’est que le vocabulaire au niveau des sentiments n’est pas assez riche pour exprimer clairement les émotions ressenties. Madame m’explique avoir vécu un sentiment qui se rapproche de la culpabilité parce qu’elle a dû laisser seul son beau-père tant aimé alors que le pronostic était sombre et qu’elle aurait souhaité pouvoir l’accompagner avec douceur et amour… Ceci va à l’encontre de ses valeurs les plus solidement ancrées. Toutefois, même si l’émotion se rapproche de la culpabilité, ce n’est pas exactement cela non plus, car les circonstances pandémiques maintiennent les proches dans une grande impuissance, les privant du pouvoir de faire les choses différemment, avec humanité et dans le respect de l’ensemble des dernières volontés de leur proche.

Bien que le deuil soit un processus unique, toute la famille de Madame Gagnon ressent les impacts de vivre ce deuil en temps de pandémie. Pour Madame Gagnon, nul doute que le contexte de la COVID vient complexifier et déshumaniser la fin de vie, la mort et le deuil.

En mon nom personnel, je tiens à remercier chaleureusement Madame Gagnon et sa fille Roxanne, de nous avoir partagé avec sincérité leur histoire.

En espérant que les mots de Madame Gagnon résonnent dans le cœur des milliers de familles endeuillées par la COVID tout comme ils résonnent dans le mien.

Mélanie Croteau
Intervenante pour Deuil-Jeunesse en Montérégie